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Ecrivaine occitane, semeuse de graines de folie. Etre écrivain, c'est combattre, c'est dire, dénoncer, tous les jours, à chaque instant, jusqu'au dernier souffle. C'est aussi écrire pour vous faire évader. Quitter les sentiers battus et partir vers d'autres horizons.

FEMMES HORS CONTROLE Feuilleton JOUR 3

Pourquoi le juge Arnaud ne peut-il pas se passer de sa greffière ? C’est une question que beaucoup se posent au Palais. D’habitude, le greffier reste au bureau et ne se balade pas en tenant la main de son juge. Pourtant Maryse est de corvée à chaque crime demandant la présence du juge et cela fait rire tout le Palais. Elle s’en moque. Elle pense que ça le rassure de l’avoir auprès de lui comme une mère. Pourtant, elle se passerait bien de cette cérémonie macabre. Les victimes hantent ses nuits plus que les assassins. Elle se réveille souvent eu sueur, terrorisée, avec l’impression que quelqu’un se balade dans son appartement. Ses rêves ne sont plus que d’horribles cauchemars et le jour ne lui laisse aucun répit. Les visages monstrueux de ses nuits s’affichent devant elle comme des posters à tout moment de la journée. Du sang, toujours du sang et cela persiste bien après que les enquêtes soient bouclées au-delà d’un temps raisonnable. Tant et si bien qu’elle est obligée de voir un psy pour continuer à travailler au palais. Poser les yeux sur le lit où gît la jeune fille, tenter de regarder en biais, de survoler le corps, essayer de ne pas voir son ventre ouvert comme une tomate trop mûre. Son visage est tuméfié, des bleus ornent ses bras. La belle rose blanche à peine entrouverte, presque encore en bouton, baigne dans le sang. Elle fut blanche, évidemment, maintenant elle a rougi comme si elle avait honte de se trouver là.

- On l’a battue à mort, dit froidement le légiste d’une voix atone. Regardez ses poignets. Des traces de cordes ou autre chose. Je vous dirai ça après l’autopsie. Violée, c’est évident, vu les hématomes entre ses cuisses, avec des protections, gants et préservatifs. Il n’y a pas de sperme. Peut-être le type n’a-t-il pas éjaculé ? Ça arrive avec ce genre d’individu. Aucun plaisir, pas d’éjaculation. La fille : violée, puis massacrée. Puis il lui a ouvert le ventre. Pourquoi la rose ? Ce n’est pas moi qui vais vous le dire.

Le juge tient une piètre vengeance envers Lebosc.

- Vous pouvez relâcher votre suspect, à présent. A moins qu’il ait des dons d’ubiquité.

- On va attendre de savoir quand elle a été tuée. En plus, ce n’est pas tout à fait le même mode opératoire, grogne le commandant.

Pour rien. Pas la peine d’être un grand flic pour savoir que, pendant les quarante-huit heures de garde à vue du suspect, la jeune femme a rencontré son meurtrier. Sûrement pendant la nuit. C’est à neuf heures du matin que le jeune homme a aperçu la porte entrouverte en allant faire son jogging. Un couple a pu affirmer qu’en rentrant à vingt-trois heures passées la veille au soir la porte était fermée. Aucun bruit ne venait de l’appartement. Pour eux, elle n’était pas chez elle.

- Lebosc et Arnaud, vous restez sur cette affaire bien entendu. Je compte sur vous pour que ce malade ne recommence pas.

Le procureur Paul Sanghier s’adresse à eux sans un mot d’excuse pour son retard d’au moins une heure. Pas un bonjour, pas un serrement de main. Plus personne ne s’en offusque. Il est comme ça, croyant que son charme fou qui fait courir les femmes le dispense de courtoisie envers les hommes.

Le commandant est plus que de méchante humeur. Avec la colère, l’inquiétude s’installe.

- Il faut faire surveiller tous les parcs, dit-il au juge Arnaud. La petite Justine a été trouvée square du Vert-Galant. Ici, c’est le parc Montsouris. Vous voyez le rapport ? S’il frappe encore ce sera dans ou près d’un parc, un square, une place isolée avec de la verdure, un jardin public… Combien dans Paris ? Je vous laisse juge… D’ailleurs, c’est votre métier.

Personne ne rit ni ne sourit, pas même Lebosc de sa propre blague.

Il rajoute :

- Je ne sais pas s’il y a assez de flics dans Paris pour les surveiller tous ainsi que les rues avoisinantes. Avant qu’on les ait répertoriés, il y aura peut-être une nouvelle victime.

- Je vous fais confiance, dit le procureur. Prenez tous les flics que vous voulez, et tenez-moi au courant.

Puis il repart aussi vite qu’il est venu. Un rendez-vous au palais. Tout le monde le connaît son rendez-vous. Il a les yeux bleus, des cheveux noirs frisés coupés courts, un petit tailleur chic acheté sur les champs Elysées. Il se nomme Carine. Madame Carine Giordano, juge aux affaires familiales.

Lebosc et le juge se regardent. Finalement, ils ne se trouvent pas si différents tous les deux.

- Putain le con ! s’exclame le commandant.

- Je ne l’aurais pas dit ainsi, assure le magistrat, mais je partage. Au boulot. Je suis à votre disposition, même en pleine nuit.

L’équipe scientifique a fait son job. On emporte le corps de la jeune femme. Sur son ventre, il ne manque que la rose blanche partie au labo avec les quelques indices susceptibles d’aider. Pas grand-chose : des cheveux longs, ceux de la victime, des feuilles sèches sur le tapis, entrées peut-être par le vent, le jeune homme qui a découvert le corps, allez savoir… Rien d’autre. La scène du crime a été souillée et dehors, avec le monde qui passe toute la journée, aucune chance de découvrir un quelconque embryon d’indice pouvant les conduire au coupable.

- Si ça continue on va bientôt pouvoir faire un bouquet, fait remarquer Lebosc qui, décidément, a un humour très particulier.

Maryse Alabeda se dit que, la nuit prochaine, elle éteindra son téléphone. Ce n’est pas qu’elle va dormir sur ses deux oreilles, les miracles elle n’y croit plus. Mais une certitude l’a gagnée : ça va recommencer encore et encore.

Appartement de Jeannine Perrier

 

Ce que renvoie le miroir de la salle de bain à Jeannine pourrait bien lui démonter le moral pour la journée. « Miroir, gentil miroir »… Elle préfère ne rien demander. Au cas où la magie fonctionnerait, sait-on jamais. Après tout, à soixante-cinq ans, elle n’est pas si vilaine. Depuis qu’Edgar est mort, Jeannine a perdu du poids. Elle qui dit toujours « il vaut mieux une vieille grosse qu’une vieille maigre, à cause des rides », la voilà avec dix kilos en moins. Au coin des yeux, des pattes d’oie ont fait leur apparition. Autour de la bouche, elle les voit les sournoises fendiller lentement ses lèvres ! Pas de rides sur les joues, mais elles tombent inexorablement. Près des oreilles, elle voit des plis. Et le cou… Ah, le cou ! C’est le plus vicieux. Ronde ou filiforme, tu n’y coupes pas au cou comme les poules. Les poules de poulailler, s’entend. Elle se tire la langue dans le miroir et fait « cot cot cot »… Puis, elle éclate de rire. C’est encore heureux qu’elle n’ait pas perdu son sens de l’humour. Une vraie gamine de quinze ans.

La vie ne l’a pas épargnée. Pas question finances. Edgar avait une bonne place dans une entreprise de la région marseillaise et il lui a légué non seulement les parts qu’il avait dans l’usine et dont elle ignorait l’existence, mais la villa familiale, celle des vacances, sa pension de réversion, de l’argent placé. Unis pour le meilleur et pour le pire. Pauvre Edgar. La maladie l’a emporté six mois après la retraite. Non, de l’argent, elle n’en manque pas. Mais toute sa vie elle a dû supporter les frasques de son mari, les maîtresses multiples et même les enfants illégitimes. Oui, Mais… Ils avaient fait le « don au dernier vivant » et ses enfants illégitimes il ne les a jamais reconnus. Alors, un peu d’argent à sa fille unique ainsi que la villa à Palavas les Flots, et elle, Madame Perrier, a vendu la villa familiale et acheté un petit appartement à Paris. Elle est née Parisienne, elle mourra Parisienne. Les musées, le théâtre, les bistrots… Tout ce qui grouille, qui bouge, tout ce qui se paye ou est gratuit. Elle mange la vie mondaine. Et elle va danser. Ah danser ! A l’âge de dix ans elle a gagné un championnat de danse classique. Puis, elle a continué jusqu’à ce qu’elle rencontre Edgar. Finie, la danse. A cette époque, il y avait encore beaucoup de femmes qui restaient au foyer pour élever leurs enfants surtout lorsqu’un seul salaire pouvait faire vivre le ménage. A la mort d’Edgar, elle s’est jetée dans la valse comme un enfant sur un manège. Près de Paris, ce n’est pas ce qui manque les guinguettes pour danser. Une fois par mois, le samedi soir, elle se met sur son tente et un, se maquille, et met ses chaussures à talon. Avec Maryse, son amie, elle va à Champigny-sur-Marne, à la « guinguette du Martin pêcheur », et comme autrefois à la grande époque, elles dansent au son de l’accordéon. Elles ont souvent le même partenaire d’un samedi sur l’autre mais seulement partenaire. Elles n’ont jamais voulu donner leur adresse ni un quelconque rendez-vous en dehors du samedi soir, une fois par mois. Là, les tables sont recouvertes de nappes à carreaux rouges qui lui rappellent la cuisine de sa grand-mère il y a bien longtemps. Pour elle, les carreaux rouges sont comme la madeleine de Proust. Alors, pour un soir seulement, elle se replonge dans les années cinquante quand elle allait en vacances au Puy en Velay et les bals de l’été sous les étoiles. Sa grand-mère était dentellière. Jamais elle n’oubliera les petits fuseaux, le fil blanc et les mains de sa mamé d’une dextérité approchant de la perfection dont elle n’a pas hérité. « Laissons tomber la madeleine », se dit-elle. Ce midi, elle a décidé d’aller au restaurant et pas pour manger une confiserie. Du temps d’Edgar, le resto c’était pour ses maîtresses. C’est sa vengeance posthume.

Un peu de maquillage, pas trop, pas en plein jour. Elle ne veut surtout pas ressembler à une cougar. C’est très à la mode, mais ce n’est pas pour elle. Une petite laine, il fait froid pour un début du mois de mai, son petit chapeau. Jamais sans chapeau. Certaines collectionnent les chaussures, elle, ce sont les chapeaux.

Avant de se rendre au restaurant, elle va aller faire un petit tour au parc. Elle l’aime bien le parc Georges Brassens, il est si tranquille que ça lui arrive de s’y endormir sur banc au soleil de l’après-midi. En passant devant la porte de la jeune fille du rez-de-chaussée, elle entend des voix. Elle le sait bien, allez, de quoi elle vit la petite. Aucun jugement. Jeannine n’est pas comme ça. Chacun fait ce qu’il veut, ou ce qu’il peut. Ce qu’elle sait, c’est que la petite a un sacré coup de crayon. Le reste, elle ne veut pas savoir. Chacune vend son sexe à qui elle veut… ou ne veut pas. Chacune vend ce qu’elle a pour survivre. Elle a bien partagé le sexe de son mari avec ses maîtresses, elle ! Était-ce plus reluisant ? Plus moral ? Certaines donnent leur corps par amour, par plaisir. Tant mieux pour elles. Mais si on fait le calcul dans le monde entier, le pourcentage de ces dernières doit être ridicule. Voilà pourquoi elle ne juge pas. Et même, elle envie presque les accros de l’amour. Elle ouvre la porte de l’immeuble qui couine lamentablement. Un immeuble tout neuf, avec des charges exorbitantes et une porte qu’on entend jusque dans les appartements ! C’est raté pour la discrétion. Elle se promet d’appeler le syndic dès le lundi matin.

 ***

 Lorsqu’elle revient du restaurant après avoir fait une balade digestive dans le parc et une petite sieste au soleil, il est près de seize heures. En passant devant l’appartement de la jeune fille, elle surprend des gémissements. Pas le genre de gémissements qu’on émet en faisant l’amour, non, des gémissements plaintifs. Doit-elle rentrer ? Appeler ? Demander si la petite a besoin d’aide ? En quoi cela la regarde-t-elle ? Pourtant, elle pressent qu’il y a danger. Alors, tant pis si elle viole son intimité.

 

Du fond de son absence, Violette sent son corps meurtri. Elle n’a pas envie de le réintégrer. Elle flotte au-dessus sans jamais vouloir y retourner. Mais le temps fait son œuvre. Celui de l’oubli est fini. Elle reprend peu à peu conscience. La souffrance se jette sur elle, l’attaque, la terrasse. Son corps se tord comme un bout de plastique jeté au feu. Oh mon Dieu ! Son regard se porte sur le plafond au-dessus d’elle, toujours le même, blanc, immaculé. Il s’y attarde refusant de voir le reste. Elle a mal au dos, au ventre, au visage, au sexe. Elle est un énorme hématome sur lequel quelqu’un appuie d’un doigt vicieux. Elle s’assoie. Sa petite culotte gît à côté d’elle. Son déshabillé en soie ressemble à un chiffon. Elle a des bleus sur tout le corps et surtout… surtout… ça colle entre ses jambes. Du sperme séché. Elle en perçoit l’odeur avant même de le voir. Elle le sent, par le nez, par la peau. L’odeur du sperme et du vomi. Que lui est-il arrivé ? Elle ne se souvient de rien. Sauf qu’elle a reçu un type, et encore, c’est comme dans un rêve. Elle le voit rentrer dans la maison, puis plus rien. Le gouffre noir. Elle se lève. Il faut qu’elle se lave. Vite. Son studio est impeccablement rangé. Pourtant, elle avait sorti le service à café, ça elle en est certaine. Il a réintégré le placard comme par enchantement. Peut-être ce type n’est-il pas venu ? Peut-être s’agit-il d’un autre ? Qui a rangé le service à café ? Éteint la cafetière ? Qui l’a violée ? De ça, elle en est sûre. La douleur dans son vagin est insupportable. Quel est le monstre qui…

L’eau brûlante de la douche lui arrache la peau. Elle se frotte le sexe avec l’éponge de la cuisine côté grattoir. Curieusement, ce geste lui rappelle une pub à la télé avec un petit hérisson… Son esprit bat la campagne. C’est incroyable ce qu’il peut imaginer dans les pires circonstances !

« Quelle conne ! Quelle conne ! Quelle conne ! », répète-t-elle inlassablement sans même se rendre compte qu’elle gémit. Rouge comme une crevette, écorchée vive, elle enfile son peignoir de bain. Que personne ne sache. Jamais, jamais. Pas les flics, pas ses copines, rien, personne. Elle sait très bien ce qu’on lui dirait. Qu’elle l’a bien cherché. Qu’elle n’avait qu’à trouver un autre job. Dans un fast-food, tiens. Que des appartements moins chers on en trouve. Hors de Paris, en lointaine banlieue. Qu’il y a des colocations, plein d’autres solutions. Bref, que c’est de sa faute. Et c’est ce qu’elle pense. Que c’est de sa faute. Elle gémit encore en se servant une tasse de café. C’est à ce moment-là qu’elle entend gratter à la porte et une petite voix l’appeler.

- Mademoiselle Barbieri? Vous êtes là ? Violette ?

« C’est la voisine ! La voisine ! » Seuls des gémissements sortent de sa gorge. Elle ne peut les retenir. Ils s’échappent, hors de son contrôle.

- Violette ! Je sais que vous êtes là. Je vous entends. Ouvrez mon petit.

Violette éclate en sanglots tandis que Jeannine rentre sans aucune gêne, de toute façon, la porte n’était pas fermée à clé. En la voyant, la jeune fille s’effondre sur le lit en hurlant de douleur. Jeannine s’assoit à côté d’elle, ne demande rien, lui caresse les cheveux mouillés.

- Là, là, mon petit. Là.

Elle ne rajoute rien. Il n’y a rien à dire. Elle la caresse comme une mère jusqu’à ce que ses sanglots s’apaisent.

- Voulez-vous appeler la police ?

- Surtout pas ! Je vous l’interdis !

- Je ne le ferai pas. Soyez sans crainte. Racontez-moi, si vous voulez. Sinon, ne dites rien.

Raconter ? Raconter quoi ? Il n’y a rien à raconter. Sauf qu’elle pense avoir ouvert la porte à un homme et puis plus rien. Elle s’est réveillée, allongée sur le lit, couverte de bleus et de sperme sans en savoir ni le pourquoi ni le comment. Qui était-ce ? Quand est-il reparti ? Mystère.

- En tout cas, votre porte a été forcée. Je ne suis pas spécialiste des effractions mais c’est évident. Regardez.

En mode zombie, Violette s’approche de la porte. Elle a la nausée. Par moments, des flashs traversent sa conscience. Son inconscient lui livre les informations au compte-gouttes. Elle le voit rentrer. Un bel homme, une belle voix. Des yeux noirs. C’est tout. L’image disparaît. Quant à la serrure, le bricolage est ridicule. Personne n’a pu ouvrir une porte comme ça de l’extérieur. Simulacre d’effraction grotesque.

- Il a tout rangé ? demande Jeannine. Bon, mais il n’a pas lavé les draps quand même. Il doit y avoir des empreintes…

- Je ne veux pas les flics !

Violette devient hystérique.

- Du calme. Pas la police, je sais. Mais on peut se débrouiller sans eux.

- Vous vous prenez pour Miss Marple ?

- Non, non, susurre Jeannine d’une voix transformée. Vous savez, je connais beaucoup de monde.

 - Un privé ?

 - Pas du tout. Pas d’homme dans cette affaire. On fait tout nous-mêmes, entre filles.

Violette pousse un cri de détresse. Un cri primitif d’hominidé. Dans la canopée, des cris de ce genre il doit y en avoir plein les arbres.

- Non, on ne fera rien ! Foutez-moi la paix. Je vous interdis d’en parler à quiconque. Vous m’entendez ?

- Ne vous inquiétez pas. Je ne dirai rien. Promis.

- Personne, personne ne doit le savoir. Ce n’est pas la première fois qu’une pute, même de luxe, se fait tabasser.

- Vous allez arrêter ?

- Arrêter ? Arrêter quoi ? Mon boulot ? De toute façon, je suis violée à chaque fois. Que croyez-vous ? Que je prends mon pied ? J’ai besoin de fric, moi.

- Quand même, reprend Jeannine qui ne lâche jamais rien. Il a dû être dérangé pour s’enfuir aussi vite.

- Ah, vous trouvez, vous ? Il a eu le temps de tout nettoyer. Il est parti après, tranquillement.

Mais quelque chose gêne Jeannine. Elle ne peut pas dire quoi. Elle a l’impression que le pervers n’avait pas fini son boulot, ce pour quoi il était venu. C’est évident qu’il a drogué la jeune fille avec cette saloperie de drogue du violeur. Mais pourquoi venir le faire chez elle ? Pourquoi partir si vite ? Jeannine va enquêter discrètement. Quelqu’un de l’immeuble l’a-t-il vu partir ? Elle connaît tout le monde ici, cette pipelette invétérée. Facile de leur tirer les vers du nez sans attirer leur attention.

- Mettez le verrou à votre porte maintenant. Quoique, je serais étonnée qu’il revienne. Vous devez sortir ?

- J’ai pris un billet pour le théâtre ce soir mais je n’irai pas. Je ne veux voir personne. Je ne veux parler à personne. Je veux être seule.

- Vous ne ferez pas de bêtises, n’est-ce pas ?

Violette s’est calmée. L’hystérie a laissé place à un chagrin abyssal. Les larmes coulent sur son visage sans qu’elle puisse les retenir. Elle sait que la peur ne la quittera plus désormais. L’homme la tient par un fil invisible, comme une connexion Internet pour laquelle plusieurs facteurs participent à la communication. Ce n’est pas parce que ton ordinateur est éteint qu’il ne s’y passe rien. Les mails continuent d’affluer pendant ton absence. Tu peux laisser ton ordinateur allumé ou éteint, pendant des semaines, des mois, ils se déverseront sur toi dès que tu écriras le mot de passe.

- Non, je ne ferai pas de bêtises. Vous pouvez partir tranquille.

En fait, elle n’en sait rien. Pour le moment, elle n’est plus maîtresse d’elle-même. Elle n’est que l’ombre de Violette. Une petite fleur cachée sous les feuilles putréfiées d’une forêt.

 

 

 

 

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D
BONJOUR <br /> A ceux qui lisent : pouvez-vous me dire si l'organisation du feuilleton est cohérente ? A SAVOIR LES RAPPELS VERS LES EPISODES PRECEDENTS ? LA VISIBILITE DU TEXTE ? SVP MERCI. Vos suggestions m'aideront beaucoup<br /> l'auteure
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