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Ecrivaine occitane, semeuse de graines de folie. Etre écrivain, c'est combattre, c'est dire, dénoncer, tous les jours, à chaque instant, jusqu'au dernier souffle. C'est aussi écrire pour vous faire évader. Quitter les sentiers battus et partir vers d'autres horizons.

les photos de T'i Rom et les textes de Bernie

 

les photos de T'i Rom et les textes de Bernie
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Supplique à mon peuple

 

Quand en juillet sur les collines, les genêts comme autant de soleils éclatés, bercent l’air vibrant qui parfume les grottes et les falaises d’un regain, de passé, tapies sur l’écorce des pins les cigales en accord, de leur lyre un peu fausse enchantent le décor.

A pas feutrés sur les feuilles qui craquent, on descend le torrent pour toujours asséché, parmi les chants d’oiseaux et l’odeur du thym frais.

A la bouche un sourire et un brin de lavande, je sens renaître en moi les cendres consumées. Mais dans la plaine vaste où la vigne s’étale les mouettes se taisent. Que leur avez-vous fait pour que l’étang si vite elles aient déserté ? Au-dessus des marais les flamants roses laissent leurs nids vides comme un adieu muet. Sur la plage saturée d’humains on ne peut même plus rêver.

Ne me laissez pas tomber. Attendez-moi, oiseaux avec vous je m’en vais.

 

- Toi aussi tu t’en vas ? interroge la vieille qui revient à pas lentes des garrigues, éreintée. Qui donc ira cueillir quand mourra la mamé les mûres parfumées, les pommettes vermeilles, les jujubes sucrés ? Mon tablier est plein des senteurs de Provence, mon fichu sent le suc des pins du Languedoc, le Roussillon frémit dans mon cœur en silence. Mais je sens venir l’heure de l’oubli et du froid.

Tu nous quittes déjà ? murmure la pierre grise. Et tous ces souvenirs que je t’avais tissés ? Qu’en ferai-je alors quand soufflera la bise ? N’aimes-tu plus la paix de nos petits villages qui dorment accrochés aux collines sauvages, les ruelles qui traînent les refrains d’autrefois ?

Ne laisse pas flétrir mes fruits dessus les branches, me pleure à voix basse l’olivier qui balance. J’ai subi les injures du vent et de la pluie mais les hommes bientôt me voleront la vie.

Les tintements discrets des moutons sur les pentes me reprochent en chœur de trahir leur mémoire et le berger déçu dans la bergerie rentre pour une dernière fois son troupeau, en silence.

C’est lorsque, décidée, je bouclais ma valise que j’entendis au loin ces angoissantes voix comme une fausse note au clocher de l’église.

J’eus honte tout à coup et revins sur mes pas. Je demeurerai donc puisqu’ici je dois vivre. L’Occitanie s’étire comme s’ouvre un livre, du passé du présent mon pays je m’enivre. Est-ce toi qui fredonne cet air de rébellion ? J’interroge l’oracle, c’est l’aïeul qui répond :

- Je ne dors pas en paix, mon peuple, au cimetière.

Que j’aime, oh mon pays ton sol qui se craquèle lorsqu’au soleil d’été brûlant tes frondaisons sur les sommets arides où l’azur s’écartèle, Mistral et Tramontane, jouent au jeu de cachette et font tourner la tête aux passants imprudents. Oh ! Mon peuple autrefois si fier de tes donjons, de quel rempart luxe acceptes-tu l’aumône ?

La mer seule me répond :

- Depuis que je suis née j’embrasse ce rivage, dont les joues sont de sable et de galets polis, et mon murmure à l’homme unique poésie, est comme la chanson discrète des coquillages. Mon odeur est l’encens de ce pays sauvage, mes vagues du bateau la lutte et le répit quand je fais le gros dos ou l’amante endormie.

Toi le vent froid du Nord tes violentes caresses secouent les arbres en fleurs. Au printemps en ivresse, une neige ondoyante parfume l’air d’avril. Tout craque en ta présence, frémit soupire et vit. Tu es le souffle et l’âme de ces plaines tranquilles. Mais quand le vent du Sud déjouant tes avances harcèle ton domaine où tu rugis en vain, dans le ciel de cristal soudain les ombres dansent se crèvent avec fracas puis s’échappent au loin.

Quelques gouttes de pluie n’abreuvent pas la terre et notre terre a soif, mon pitchou, le vois-tu ? La garrigue étouffe et te réclame en vain.

Pourtant sous chaque pierre se cache la tendresse.

Le thym antibiotique, les salades amères amies du sang le long des veines et le petit chêne, la menthe aphrodisiaque, romarin, valériane, verveine et épinards sauvages, tressent pour l’homme, des milliers de bienfaits.

Qui donc les chantera toutes ces fleurs timides, accrochées à la terre, têtues comme des bourriques, lorsque le ciel s’acharne à leur brûler la peau ? Si tu t’en vas…

Orages dévastateurs planant sur tes récoltes, chaque année qui s’écoule ravine ta pauvre terre inondant tes chemins.

« Ne laisse pas le béton roi envahir mon domaine » me murmure la mer. Je suis la Méditerranée et j’ai peur pour mes rives à l’avenir morose qui avance à grands pas.

 

Il est temps mon pitchou de penser à la Terre, pour qu’il repose en paix l’aïeul au cimetière.

 

 

 

 

 

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